Club toulousain In Vino Veritas
Très rare verticale de Château
Grillet : 2002-1969
La dégustation, préparée par Didier Sanchez, a été répartie en 2 séances.
La première (2002-1990) est commentée par Philippe Ricard pour l’après-midi et Laurent Gibet pour le soir.
La seconde (1989-1969),
faite en une seule séance, est commentée par Philippe Ricard.
Quelques commentaires de contexte :
La première dégustation
s’est déroulée en deux phases : l’après-midi puis le soir avec la même
bouteille. Didier Sanchez a participé aux deux séances.
Le compte
rendu porte sur les deux séances afin de montrer aux lecteurs les différences
entre 2 dégustations espacées de 5 heures.
La seconde
dégustation s’est déroulée en une seule phase : les millésimes goûtés
présentant un certain âge, l’aération pouvait en effet s’avérer risquée.
Les vins ne
sont pas dégustés à l'aveugle.
Au sujet du
prix indiqué des bouteilles : il correspond au prix d’achat aux enchères, chez
les cavistes ou chez des particuliers, dans la période 2004/2006, sur une offre
pas toujours évidente. La côte moyenne a quelque peu évolué depuis, dans les 2
sens : rien d’étonnant donc de trouver certains vins plus chers, mais
aussi meilleurs marché...
DS : Didier Sanchez - PC : Pierre Citerne – LG : Laurent Gibet – PR : Philippe Ricard – CD : Christian Declume.
1ère partie :
2002 - 1990
Jeudi 21 Juin 2007
Ordre de dégustation
(Nombre de dégustateurs : 12)
1. Château Grillet 2002 :
DS AM17,5 - DS SOIR17 - PC18 - LG16+ - PR17 - CD16,5
.
Note moyenne AM : 17,3 et SOIR : 16,5 -
Prix : 43 €
L’après-midi :
- La première robe est d’une franche pâleur, tout juste relevée de
reflets gris argenté. Relativement fluide, elle nous parait un peu mate,
chose étonnante pour un blanc.
- Le nez se découvre sous une impression de réduction, mais s’affirme
en fait par son caractère intensément minéral, un profil camphré net.
L’aération progressive révèle des parfums de fumé, grillé, guimauve,
réglisse et enfin d’abricot.
- La bouche saisit par sa fraîcheur et surtout sa tenue impeccable :
droite, formidablement tendue, elle maîtrise une expression pourtant
généreuse. La guimauve, le malabar, toujours le camphre et ces sensations
minérales aiguisées signent une force gustative indéniable, mais superbement
contenue. La longueur et la persistance étonnantes de ce vin finissent par
nous convaincre de l’excellence de cet échantillon…
Cette première bouteille (et première expérience pour beaucoup) nous
saisit d’entrée : alors qu’un cousinage avec Condrieu était notre
pronostic commun, cette tension d’un terroir aussi marqué, comparable au Clos
St Hune en Alsace, nous a littéralement saisis !
Démarrer une série d’emblée sur une note aussi élevée, sans véritable
repère, sur un millésime pourtant pas de grande réputation pourrait sembler
quelque peu déroutant.
La suite va confirmer…
Le
soir :
- Robe brillante aux
reflets verts.
- Nez délicat, bien
mûr, avec un poil de réduction (où est-ce le terroir et/ou
l'élevage ?), d'influence marine. Il transporte des senteurs
intéressantes d'iode, de fleurs, d'amande, d'agrumes, de minéral.
- Bouche grasse,
dense, fine, qui annonce sa classe sans tapage (car le vin n'est pas prêt
à boire) par une longueur certaine. Il n'y a pas d'explosion gustative
mais un fuseau bien dirigé, aux goûts nets (aux flaveurs décelées au nez
s’ajoutent des notes de fruits blancs, de réglisse, de guimauve et de rose
propres au cépage, mais ici sans aucun caractère variétal). Boisé (légères
notes lactées) et alcool bien dosés. La cohérence entre le nez et la
bouche est remarquable.
On
commence dès le premier vin à deviner la spécificité attachante de ce cru.
2. Château Grillet 2001 :
DS AM17 - DS SOIR16 - PC17 - LG15,5+ - PR17 - CD16.
Note moyenne AM : 16,8 et SOIR : 15,8 -
Prix : 43 €
L’après-midi :
- Nouvelle robe particulièrement claire, agrémentée de quelques
reflets gris et de pointes d’un jaune assez lumineux. Grasse, légèrement mate,
c’est presque une répétition du 2002.
- Le nez conserve ce profil identitaire fortement influencé par le
minéral. Très frais, expressif, il laisse cependant la part belle aux
fleurs et fruits blancs ainsi qu’à la guimauve.
- Si la tension persiste de façon étonnante, le vin semble davantage
enrobé : la matière, ronde, grasse, s’affirme aussi avec largeur,
l’expression généreuse des fruits (abricot, pêche) et des fleurs apaisant
la fougue tranchante de la minéralité. D’une longueur moins impressionnante, la finale reste toutefois ferme, avec une belle rémanence sur le pamplemousse.
Si ce vin n’a pas la richesse abondante d’un Hermitage, il montre certaines
ressemblances.
L’éclatante jeunesse en plus : on jurerait boire un 2005 !
Le
soir :
- Nez plus débridé que
celui du 2002. La gamme aromatique est la même, en plus développé :
minéral, fruits blancs, agrumes, abricot, fleurs de pommiers, miel.
- La bouche s'exprime
plus en puissance (alcool plus sensible) : elle s'avère plus large mais
également moins longue. Elle est en tout cas servie par sa complexité, sa
saveur imprégnante.
On peut
ici penser à un Hermitage ou à un Condrieu (sans notes caricaturales
toutefois).
3. Château Grillet 2000 :
DS AM17,5/18 - DS SOIR17,5/18 - PC17,5/18 - LG18
- PR18 - CD17.
Note moyenne AM : 17,6 et SOIR : 17,8 -
Prix : 41 €
L’après-midi :
- Il est difficile de déceler une variation d’intensité colorante !
Couleur paille avec quelques reflets vert et jaune vif, grasse, cette robe
reproduit le profil d’une jeunesse intacte.
- Nez très intense, profondément marqué par le camphre, presque
chloré, des impressions de grillé, il exprime avec évidence sa minéralité
intrinsèque.
- En bouche, les premières qualités de Grillet décelées dans les 2
premières bouteilles sont ici décuplées : richesse d’une matière
prégnante à la signature aromatique complexe, limpide, minéralité
tranchante, puissance maîtrisée, rectitude implacable, persistance
étonnante…
A la fois long et large, riche et précis, ce vin a tout d’un grand !
Incrachable !
Le
soir :
- Robe aux subtils
reflets verts.
- Nez plus viril,
réduit/grillé, très "infusion de roche". Exhalaisons complémentaires
(récurrentes) de miel, d'amande, de fleurs de vergers, de tilleul, de
menthol.
- En bouche, ces goûts
fins et complexes sont finement architecturés. On profite d'une magistrale
amplitude minérale et fruitée (jus d'orange, grenade), la générosité n'excluant
nullement la rectitude.
Un grand
vin, à la finesse ultime, sûr de lui, parfaitement sculpté
4. Château Grillet 1999 :
DS AM16 - DS SOIR14 - PC15/15,5 - LG14 - PR15,5 -
CD16.
Note moyenne AM : 15,6 et SOIR : 14 -
Prix : 76 €
L’après-midi :
- L’évolution est un mot qui semble difficile à caser dans ce
compte-rendu ! Toujours pâle, avec des reflets grisâtres et quelques
éclats dorés ultra lumineux, la robe semble gagner du poids avec un gras
plus net.
- Nez familier, avec ses notes camphrées, grillées, bigrement
minérales, mais avec une légère évolution iodée, résinée, un rien austère.
- En bouche, le gras est moins évident : l’acidité, plus marquée,
accentue la fraîcheur du vin, plus juteux, notablement digeste. Moins mûr
(pointe herbacée), moins large, il reste cependant droit. Persistance plus
sommaire en finale, avec une légère signature amère, sur le pamplemousse.
Le
soir :
- Nez proposant des
senteurs de minéral, de végétal (fougère), d'amande, de fleurs de
citronnier. Caractère appuyé, dans un registre austère (on peut penser à
un Chablis ou à un Muscadet).
- La bouche, plus
simple, citronnée, déçoit : elle est étriquée, dure, courte. Sa sapidité
est relativement épargnée mais il semble que le domaine ait récolté une
vendange manquant de maturité (Chave blanc 99 est lui grandiose).
5. Château Grillet 1998 :
DS AM18 - DS SOIR18/18,5 - PC18,5/19 - LG18,5 -
PR19 - CD18.
Note moyenne AM : 18,7 et SOIR : 18,4 -
Prix : 60 €
L’après-midi :
- Robe d’épaisseur moyenne, d’un paille qui semble jaunir légèrement,
toujours avec quelques reflets vifs.
- Nez stupéfiant de jeunesse, exposant crânement ses parfums fruités,
floraux, ainsi qu’une palette des plus complexes et intenses :
citron, abricot, bergamote, guimauve, camphre, nougat, fleurs blanches…
Fraicheur, subtilité, élégance…
- La bouche est une merveille : finesse sublimissime, équilibre
parfait, style aérien, pétri de classe. Cette superbe matière explose dans
une tenue minérale exemplaire, fière, droite, profondément digeste, avant
une finale à l’harmonie quasi parfaite et une longueur phénoménale.
C’est jouissif !
On reste assis devant la
qualité de ces vins !
Le
soir :
- La livraison
aromatique est celle d'un viognier littéralement magnifié, racé, unique :
des notes muscatées éblouissantes (pêche, rose, abricot, pêche abricot),
fumée, bâton de réglisse, fusent du verre. On se croirait en Alsace avec
ces notes fruitées tellement girondes en liberté (réduction et minéralité
plus en sourdine).
- En bouche, c'est un
développement d'un équilibre souverain, qui monte brillamment en
puissance. Elégance florale et panier d'épices délicatement grillées. Tout
est en place sur une grande longueur, rien ne déborde. Tenue en bouche
magique pour ce vin à part, lumineux.
6. Château Grillet 1997 :
DS AM16,5/17 - DS SOIR15,5 - PC17 - LG15 - PR16,5
- CD16,5.
Note moyenne AM : 16,7 et SOIR : 15,3 -
Prix : 65 €
L’après-midi :
- La robe, de belle épaisseur, se pare d’une coloration à peine plus
soutenue, marquée de quelques reflets fluos.
- Nez plus spontanément
Hermitage, avec des notes d’encaustique, de cire, de nougat. Il reprend
petit à petit ses repères, avec son expression plus typiquement minérale,
camphrée. Le style est toutefois moins explosif, davantage sur la finesse.
- Si la bouche a su rester
fraîche (acidité citronnée), elle prend davantage de rondeur, de largeur,
sans pour autant renier sa finesse ni une certaine tension minérale. La
finale joue davantage sur le registre de la puissance, avec une sensation
d’alcool discrète, une amertume plus prononcée, une légère saveur fumée et
une persistance plus sobre : elle semble exprimer un registre à peine
plus chaud.
Le
soir :
- La robe commence à
doucement jaunir.
- Le nez, nettement
plus limité, ressemble à celui du 1999 : il conjugue amande, fumée,
agrumes et pierre à fusil.
- Bouche peu charnelle
pour le coup, axée sur une colonne vertébrale acide relativement abrupte
(mais ici sans verdeur). Fraîcheur et austérité pour ce vin auquel on
s'acclimate malgré tout facilement, même s'il ne consent pas vraiment à
"se mettre à table". Belle personnalité et finale sur l'acidité.
C’est le premier vin apprécié avec autant de différences entre les 2
séances.
==> Rappel : vin dégusté en décembre 1999 (cr
par Pierre Citerne)
Château Grillet 1997. Notes entre 14 et 15.
- Belle robe très
pâle, mais grasse, dotée de curieux reflets rosés.
- Nez expressif et
capiteux, muscaté, abricoté, pêche blanche, puis des notes plus lourdes de
parfumerie, on retrouve le viognier.
- Bouche
indéniablement concentrée, fortement acide, mince, austère, mais sapide et
longue.
Ce
vin se goûtait mieux après une nuit en carafe fermée, il était un peu plus
exubérant aromatiquement et moins sévère en bouche.
7. Château Grillet 1996 :
DS AM(16?) - DS SOIR14,5 - PC17/18 - LG14,5 - PR17/18
- CD16.
Note moyenne AM : 17,3 et SOIR : 14,5 -
Prix : 77 €
L’après-midi :
- Alors qu’on pensait que le jaune s’installait, timidement mais
progressivement, nous retombons sur une coloration des plus pâles, aux
reflets mêlés de gris et de vert selon la lumière. Strictement aucune évolution !
- Nez assez discret, bien juvénile, affirmant timidement sa
minéralité, un semblant de réduction délicat. Fermé, toute en retenue, il
ne livre que peu à peu quelques notes fumées et abricotées.
- La bouche semble dominée à ce stade par une prédominance
acide : citron, pamplemousse, la fraîcheur est évidente et bride
encore une matière pourtant généreuse, qui tapisse la bouche entière. Vin
à la rectitude quasi austère, il sidère par sa jeunesse insolente, sa
minéralité qui ressort puissamment, une persistance infinie qui laisse
saliver un long moment.
A l’aveugle, ce vin aurait bluffé n’importe quel malheureux intrépide qui
aurait osé parier sur son âge : à l’unisson, on aurait juré boire du 2005,
voire du 2006 !
Le
soir :
- Nez littoral avec ce
mélange désormais mieux connu d'agrumes, de minéral, de fleurs. Peu
expressif et un poil disgracieux (mais j'aime bien ce style).
- En bouche, on trouve
une acidité dominante associée à une belle tension minérale. Les flaveurs
sont plus simples (citron) et la longueur moyenne. Il reste en surface
mais il a du goût toutefois.
8. Château Grillet 1995 :
DS AM17,5 - DS SOIR17,5 - PC17,5 - LG16+ - PR18 -
CD17,5.
Note moyenne AM : 17,6 et SOIR : 16,8 -
Prix : 48 €
L’après-midi :
- Robe qui s’est légèrement
laissée jaunir, quoique modérément, avec une épaisseur notable, des
reflets vert et jaune fluo, toujours très lumineux.
- Nez qui pète ! Enfin un
bouquet riche, dominé bien davantage par les fruits blancs mûrs, le tilleul,
la mirabelle, le nougat, que par un quelconque caractère minéral !
Intense, ouvert, expressif, il laisse deviner les premiers signes d’une
évolution bien discrète…
- En bouche aussi, ce
tressaillement est ressenti : fruit net (mirabelle, abricot éclatant),
matière bavarde (y en a partout !), la maturité s’exprime avec
puissance, mais toujours dans un style juste, droit, parfaitement sec. Le
vin ne s’avachit jamais, poursuit dans une finale dynamique, parfaitement
persistante : s’il s’extravertit avec réjouissance, il n’en perd pas pour
autant sa fraîcheur, son peps, sa vie et sa jeunesse…toujours
éternelle !
Inutile de préciser que le niveau
du crachoir est désespérement bas…et que nous avons perdu depuis notre latin
quant à l’appréciation du vieillissement de ce vin, tout simplement hors
normes !
Le
soir :
- Encore de la retenue
aromatique dans un panel muscaté, iodé, miellé. L'abricot pointe ici sous
forme d’un fruit pas trop mûr. Senteurs supplémentaires d'ananas, de
réglisse, de fruits blancs, d'épices (genièvre, cumin, girofle sont
difficiles à discriminer). Un style ici encore différent (mais avec la
griffe maison), compact, résolument blindé.
- Bouche de grande
concentration, constrictive, valorisée par une réelle noblesse d'amertume.
Cette sève d'une puissance rare (qui a tout de même plus de 10 ans) attend
encore un futur épanouissement. Sa garde est stupéfiante.
Note :
le vin s'est mieux dégusté dans l'après-midi (il semble s'être curieusement
recroquevillé). Il était alors particulièrement frais et savoureux (Chave blanc
95 fut énorme aussi, dans un style plus délivré).
9. Château Grillet 1994 :
DS AM17 - DS SOIR17 - PC18/18,5 - LG17 - PR18 - CD17.
Note moyenne AM : 17,6 et SOIR : 17 -
Prix : 37 €
L’après-midi :
- Robe épaisse, éclatante, légèrement dorée, aux superbes reflets
argentés et jaune lumineux.
- Le nez est terriblement gourmand : la minéralité semble s’être
effacée derrière une étonnante expression primaire de violette, d’abricot
et de pêche jaune, de notes muscatées. Réjouissant ! On s’orienterait
volontiers vers un Condrieu, plus précisément un Coteaux du Vernon
2005 !
- La bouche invite au plaisir immédiat : rondeur, volume, gras,
pleine maturité, bel équilibre. Mais si la parenté de Condrieu est
évoquée, ce vin n’en a pas les tendances molles ou lâches : la
minéralité ne domine peut-être pas le débat, cependant elle reste la trame
cachée qui tend admirablement bien le vin. La finale, gigantissime,
confirme une fois de plus que dans ce vin, il y a tout, ou presque !
Même en petit millésime, nous avons la confirmation de la majesté de ce
vin qui ne cesse de nous étonner, bouteille après bouteille.
Ce 94 est en tout cas le plus hédoniste de la série, un délice irrésistible…
Le
soir :
- Le vin produit des
notes vraiment jeunes, dans un registre réduit, très minéral. Le nez est
donc encore une fois spécifique, plutôt ébouriffant : réglisse blanche,
mirabelle, agrumes, rose, pomme, poire, poivre blanc (on se sent un peu en
Alsace, de nouveau).
- Bouche à la fois
exigeante et libérée, capable d'une percussion conséquente (elle me
rappelle le formidable Gewuztraminer Hengst 2003 de Zind-Humbrecht, au
caractère puissant et sec). Gros tempérament pour un vin carré qui possède
encore un fort potentiel.
10. Château Grillet 1993 :
DS AM14,5 - DS SOIR14 - PC14,5 - LG14,5 - PR15 - CD15.
Note moyenne AM : 14,8 et SOIR : 14,3 -
Prix : 43 €
L’après-midi :
- La robe est moins éclatante, mais plus colorée : on arrive
progressivement à une teinte bouton d’or.
- Nez assez extraverti là encore, avec initialement un caractère
lactique affirmé (style Roussane), l’abricot, les fruits blancs, mais
aussi des notes de confit, de caramel (presque botrytisées), d’iode, avec
toutefois une perception un peu moins nette : légère sensation de
pourriture, de champignon, d’animal.
- En bouche, si le corset minéral semble à nouveau imperceptible (avec
une présence d’alcool renforcée), on confirme quelques impressions
bizarres, de fer, de mousseron, un relatif manque de netteté dans la texture. Plus chaleureux, plus court que ces prédécesseurs, mais toujours concentré, il
trahit un léger relâchement, sans brider pourtant notre plaisir.
La qualité du millésime n’a pas permis de faire des miracles, mais force
est de constater que le domaine s’en est honorablement sorti.
Le
soir :
- Ingratitude
olfactive, réduction marquée. Approximation, pesanteur et quelques notes
plus diffuses sont concédées : fruits blancs, pierre chaude, citron lacté,
réglisse.
- Bouche clairement
plus neutre, très gainée (à la limite de la raideur).
11. Château Grillet 1992 :
DS AM15 - DS SOIR12 - PC15,5/16 - LG12,5 - PR15 -
CD14,5.
Note moyenne AM : 15,1 et SOIR : 12,3 -
Prix : 32 €
L’après-midi :
- Robe assez fluide, paille jaunie avec de vifs reflets dorés.
L’intensité colorante est toujours contenue.
- Nez qui paraît atypique pour le domaine, sur des notes de cuir, de
fumé, de cumin, de fenouil, de menthe verte. Intense, légèrement
alcooleux, très mûr, ce nez trahit une légère évolution.
- Indéniablement, le vin est plus mince en bouche, quelque peu
étriqué, mais malgré ça, toujours bien tenu, intéressant et net. La
matière est plus timide, mais laisse apprécier des arômes de camphre,
menthol, sucre d’orge, abricot, dans un style général très digeste. La
finale est assez pauvre, mais ne flanche pas et résiste quelque peu.
Second
« petit » millésime d’affilée, mais un vin qui s’en tire
convenablement.
Enfin, à l’ouverture…
Le
soir :
- Un nez qui se
distingue de tous les autres, pittoresque, véhiculant des odeurs
balsamiques en diable (résine, eucalyptus, lavande, romarin).
- Le citron s'adjoint
dans une matière assez acide, trop expéditive. les arômes interpellent
mais la bouche n'est pas en mesure de suivre, dommage ! Le vin de loin le
plus décevant de la série, avec une matière effondrée.
12. Château Grillet 1991 :
DS AM17 - DS SOIR17,5 - PC17 - LG16,5+ - PR16,5/17
- CD16.
Note moyenne AM : 16,7 et SOIR : 16,8 -
Prix : 55 €
L’après-midi :
- On continue avec ces robes étonnamment claires : moyennement
épaisse, juste jaunie, avec quelques reflets vert et or vif, elle défie
toujours le temps.
- On retrouve à nouveau le profil aromatique des vins du début de la
série, c’est à dire les plus jeunes : stupéfiant ! Minéralité
affirmée, sensation de réduction, expression plutôt fermée, sur le nougat,
le jaune d’œuf. Mais quand ce vin va-t-il enfin vieillir ?
- Si la fraîcheur est significative, le gras, la rondeur, l’amplitude,
la grande maturité d’une matière généreuse dans la chair évoquent un vin
plutôt enrobé, certes très présent, mais manquant un peu de transparence
aromatique et de droiture pour prétendre à l’excellence absolue (le vin
préfère s’élargir que s’allonger). La finale confirme tout de même une
très grosse présence, avec une pointe d’amertume (pamplemousse).
Le
soir :
- Nez réduit, minéral,
dont on devine la force sous-jacente. C’est un puits de senteurs : rose
flétrie, citron confit, menthe fraîche, propolis (comme un beau
Corton-Charlemagne qui sentirait l'abricot sec).
- Bouche performante,
sapide, stable. Elle ressemble un peu à celle du 1995 avec plus de
générosité aromatique.
Ici
encore un vin (pourtant déjà âgé) qui donne l'impression de ne pas encore avoir
donné son maximum.
13. Château Grillet 1990 :
DS AM17,5/18 - DS SOIR17 - PC18,5/19 - LG15,5 -
PR19 - CD17.
Note moyenne AM : 18,1 et SOIR : 16,3 -
Prix : 75 €
L’après-midi :
- Malgré sa timidité, cette robe est la plus intense de toute,
légèrement jaune avec quelques reflets vert.
- Nez d’une classe infinie : légèrement réduit, sincèrement
minéral, mais dans un style bien ouvert, expressif, à la maturité
élevée : la guimauve, la violette, l’abricot, le nougat s’affirment
avec netteté et harmonie.
- Bouche jouissive, avec du gras, une tension remarquable qui tient la
matière, la maturité, l’ampleur de ce vin. Parfaitement équilibré, doté
d’une finesse sensationnelle, il se resserre progressivement pour finir
avec majesté, sur une finale éternelle, marquée par l’abricot et le
pamplemousse. Rien ne déborde, tout est parfaitement en place :
sublimissime !
Le
soir :
- On passe ici dans
une gamme plus tertiaire en raison de ces notes de rose, d'abricot
confituré, de citron, d'épices, de lavande, de fumée, mêlées à des odeurs
plus vieilles de cire et de champignon.
- Le vin est capiteux,
corsé. Cette matière à la maturité prononcée, moins calibrée
"Grillet", qui a tendance à se prélasser, est donc riche et
parfumée mais malheureusement passablement alanguie. La précision, la
percussion et pire la longueur sont un peu oubliées.
Conclusion
(par Philippe pour la dégustation de l’après-midi)
Qui connaît
« Grillet » ?
A part quelques
expériences isolées d’une poignée d’entre nous, ce domaine était un parfait
mystère, entretenu par un silence assez récurrent dans la critique et chez les
amateurs.
Si cette
idée de verticale était donc intéressante, notre découverte est une révélation
tonitruante : jamais une verticale n’a atteint une telle moyenne
(quasiment 17 sur l’ensemble !).
Vin à part,
parfaitement distinct de ses voisins de Condrieu ou d’Hermitage, il transcende
véritablement le cépage viognier comme nous ne l’aurions jamais suspecté.
Jamais
lourd, ni pâteux, il conserve une rectitude minérale sidérante, lui permettant
tous les excès de richesse ou de volume, toujours bien tenus.
Aucune note
boisée ou métallique, l’élevage semble en plus d’une justesse remarquable.
Mais sa caractéristique
la plus marquante, c’est sa résistance au temps qui passe : d’une jeunesse
étonnante, il nous a tous littéralement bluffés !
Robe
constamment pâle, nez qui prend des années à se libérer, bouche en permanence
pleine d’énergie, ce vin est un défi à nos références temporelles : aucun
vin blanc sec ne semble vieillir aussi lentement, hormis les vins non ouillés jurassiens (et peut-être certains rieslings allemands…),
ce qui n’est pas peu dire…
Quant à la
seconde partie, peu de suite de dégustation n’aura été attendue avec autant
d’impatience…
Comptez sur
moi : j’y serai !
Conclusion
(par Laurent pour la dégustation du soir)
Contrairement à ce que l'on pouvait craindre en
fonction des rares bruits qui courent sur ce vin (et en fonction de la seule
dégustation du 1997 il y a déjà quelques années), nous avons découvert avec
bonheur un vin de haut niveau en effectuant une dégustation décapante (la suite
en juillet 2007, avec des vins plus âgés).
Quelques remarques :
-
l’austérité est relative, intégralement
au service du vin (et de sa longévité).
-
on y retrouve un réjouissant fond commun
(attirail aromatique muscaté, minéral, végétal – noble -, accents sudistes)
avec des variations aromatiques et structurelles appréciables.
-
il y a donc une vraie signature et une
spécificité des millésimes (ce qui ne rend jamais le parcours lassant), avec
l’impression que le vin ne cherche pas à tout prix à plaire.
-
Château Grillet est un vin d'esthète
(même la forme et la couleur de la bouteille sont originales), à mettre en
scène (il réclame je crois un minimum d'attention). Un vin de bouche (de
table), net, salivant, fort mais merveilleusement délicat, savoureux.
Ces terrasses rhodaniennes granitiques en cirque
sont un lieu de véritable consécration du viognier en permettant :
-
un micro-cru à part, méconnu, sensible,
sans esbroufe, singulier, impactant, au long cours, nullement caricatural.
-
un viognier ciselé, spécial, qui sait se
minéraliser, se fortifier, se complexifier, résultat d’un travail incomparable
sur un cépage pourtant peu souvent coopératif.
2ème partie :
1989 - 1969
Jeudi 5 Juillet 2007
Ordre de dégustation
(Nombre de dégustateurs : 12)
1. Château Grillet 1989 :
DS17,5/18 - PC18 - LG18 - PR18 - CD17,5 . Note moyenne : 17,9 - Prix : 47 €
- Robe plutôt épaisse, de teinte paille jaunie, avec quelques reflets
d’un joli doré. La première bouteille de cette séance ne semble pas
annoncer de rupture…
- Notre premier nez nous replonge dans l’ « ambiance »
Grillet : petite réduction passagère, puis affirmation d’une
minéralité sans concession, saisissante, assez stricte, au parfum de
coquille d’huître et de roche. Cette ingratitude relative se disperse
ensuite, au fur et à mesure que le vin accepte de se liver.
- Bouche d’une grande cohérence, fraîche, à l’acidité noble,
parfaitement assimilée au fruit, à la minéralité tranchante, rectiligne,
tendue (arômes de coquille d’huître et d’iode), à la matière volumineuse
mais toujours subtile, fine. L’impression initiale d’austérité cède
ensuite la place à une révélation aromatique plus complexe, sur l’abricot,
l’anis, les agrûmes, la guimauve, le calisson, avant de céder devant une
finale serrée, marquée par la réglisse, d’une persistance imposante.
On recommence une nouvelle série avec un vin qui a su allier force et
finesse, austérité et générosité : jamais lassant, il captive le dégustateur.
C’est reparti pour une démonstration de Grand Vin…
2. Château Grillet 1988 :
DS16,5 - PC16 - LG16,5 - PR16 - CD16,5 . Note moyenne : 16,3 - Prix : 63 €
La première appréciation visuelle est un bouchon totalement imbibé. Si sa
qualité ne nous impressionne pas (remarque applicable à l’ensemble des bouchons),
il ne fut la cause d’aucun défaut dans la liste des vins présentés…
- La robe est assez épaisse, paille, avec toujours des reflets vert
d’une jeunesse provocante !
- Si nous sommes cueillis par un caractère réduit assez aigü, avec des
notes alliacées prononcées (étrange sensation de saucisson à l’ail…), la
coquille d’huître, le fumé, le vin évolue peu à peu vers une expression
plus fraîche (citron, agrumes) et une minéralité évoquant un profil
chablisien.
- Si le gras renouvelle sa présence, il est d’emblée intimidé par une
acidité prononcée (citron dominateur) au point de penser à une maturité mesurée
sur cet échantillon. Le vin est particulièrement sec, avec une dominante
de fumé en bouche. Puis cela s’estompe avec l’aération progressive :
d’abord sur la tourbe, le vin s’oriente vers des notes plus fruitées,
quoique assez sobres (abricot), une matière arrondie tout en étant encore
sur l’amertume. La finale, moins majestueuse mais jamais agressive, nous
imprègne de notes plus herbacées, sur les plantes aromatiques, l’infusion
de thym.
Ce vin avait besoin de s’aérer quelques instants avant que s’estompe une
première impression quelque peu bizarre…mais souffre vraissemblablement d’un
léger déficit de maturité.
3. Château Grillet 1987 :
DS16,5/17 - PC16 - LG17 - PR17 - CD16 . Note moyenne : 16,6 - Prix : 37 €
- Robe grasse, pimpante, toujours paille à peine jaunie, avec son
habituel cortège de reflets vert et or vif.
- De nouveau cette réduction noble au premier abord, puis
l’affirmation de parfums de coquillage, camphre, praliné, cire, nougat,
miel, de superbes effluves de fraise des bois et, pour finir, quelques notes
de fromage dans un style encore une fois Chablisien.
- La bouche est un ravissement, un grand moment de charme :
légèrement déficiente en acidité, elle s’exprime davantage par sa maturité
épanouïe. Très séduisante, beaucoup plus gourmande, moins tendue, elle
laisse la part belle à de délicieux arômes de violette, fraise des bois,
poire, pralin, caramel, miel. La finale a certes moins d’allonge, mais
génère toujours autant de plaisir, sur un profil fruité évident, exempt de
toute amertume, juste distingué par une touche sapide à propos.
Décidément, même gourmand, ce vin ne lâche jamais rien…
Cette bouteille est une grande séductrice : elle a troqué une
rigueur habituellement minérale, un peu stricte, très longue, pour une parure à
la gourmandise irrésistible.
C’est un vrai régal dont le crachoir n’aura pas la moindre goutte.
4. Château Grillet 1986 :
DS17,5 - PC17,5 - LG17,5 - PR18 - CD18. Note moyenne : 17,7 - Prix : 39 €
- Cette robe s’ennorgueillit d’à peine plus de jaune, avec des reflets
lumineux, façon Suze. L’épaisseur est moyenne et nous notons la présence
de quelques particules sombres.
- Nez d’une évidente générosité : abricot, pomme, poire, citron, une
légère touche exotique avec la banane, la goyave, la mangue. Une véritable
corbeille de fruits ! Mûr, intense, sans aucune note réductrice,
c’est un nez génial, terriblement jeune et frais.
- En bouche, on est immédiatement séduit par l’équilibre de ce vin, sa
grande finesse, sa délicatesse : frais, à peine paré de quelques
rondeurs, il est tendu et ouvert à la fois, tenu par une minéralité bien
présente (coquille d’huître, iode), mais qui s’efface au profit d’un fruit
plus épanoui. On retrouve ainsi tous les parfums relevés par le nez, plus
quelques notes de citron vert, une légère distinction amère, avant une
finale harmonieuse, toujours d’une bonne longueur.
Si le nez semble plus extraverti que la bouche, l’ensemble est marqué par
sa générosité : c’est tellement bon qu’encore une fois, on ne peut que le
boire…
5. Château Grillet 1985 :
DS18+ - PC18 - LG18+ - PR18,5 - CD17,5. Note moyenne : 18 - Prix : 67 €
- Jamais les robes ne laissent espérer longtemps une inflexion vers un
vieillissement palpable : si la précédente nous semblait à peine plus
jaune que d’habitude, nous retrouvons cette jeunesse intacte dans ce vin
tout juste jaune, avec des reflets d’un doré vif et surtout des notes
vertes semblant éternelles…
- Si nous devions définir un « classique » Grillet, ce nez
en serait exemplaire : forte empreinte minérale, avec une impression
initiale réduite, voire liégeuse pour certains, s’affirmant avec une
pointe d’austérité par ses notes de coquille d’huître, d’iode, de camphre,
puis dévoilant un fruit encore jeune (abricot) ainsi que des parfums
floraux d’une grande fraîcheur. L’ensemble est intense, tendu, un peu
strict : il nous paraît encore trop jeune, pas assez ouvert !
- La bouche est également très représentative de ce que nous devinons
du style de ce vin : marqué par une acidité surpenante, le vin est
frais, même un peu vif (sans toutefois nuire à son équilibre), articulé
autour d’une colone vertébrale minérale (coquillage, notes crayeuses), à
la rigueur un peu austère, percutante, mais à la rectitude tranchante
maitrisant parfaitement une matière à la fois généreuse, très serrée et
remarquablement fine. D’une longueur saisissante, la finale, sur l’amande,
la réglisse, nous donne rendez-vous dans 10 ans. Voire bien plus… Ce vin
semble en effet cadenassé, beaucoup trop jeune : sensationnel !
6. Château Grillet 1984 :
DS16 - PC15,5 - LG15,5 - PR16,5 - CD16,5. Note moyenne : 16 - Prix : 42 €
- Robe à nouveau éclatante, grasse, jaunie, au doré lumineux. On ne
peut que se répéter…
- Nez mûr, dominé par un profil floral d’une grande fraîcheur, avec
des notes de noisette, de camphre, une minéralité sous-jacente. Insensible
au temps qui passe…
- Si l’attaque permet d’apprécier un gras généreux, la bouche est
rattrapée par une acidité plus marquée (agrumes, citron vert), laquelle,
doublée du profil minéral typique de ce vin, affirme une tenue d’une
grande droiture, avec toutefois une domination quelque peu préjudiciable à
la complexité de l’ensemble, le vin semblant moins nuancé. La finale
prolonge la tension et le visage strict de ce vin, mais avec une longueur
moins impressionnante, essentiellement marquée par le citron vert.
Toujours fidèle à son profil identitaire, ce vin manque toutefois un peu
d’épaisseur, de diversité aromatique et d’allonge pour être aussi splendide que
ses confrères…
Mais de là à bouder notre plaisir…
7. Château Grillet 1983 :
DS18,5+ - PC18,5 - LG18,5+ - PR18,5 - CD17,5. Note moyenne : 18,3 - Prix : 49 €
- Robe fidèle aux précédentes : jaunie, avec des éclats dorés,
plus quelques notes grisées, une épaisseur moyenne et cette impression de
s’être figée dans le temps.
- Nez assez strict, terriblement imprégnant, sur des notes de poisson,
l’iode, la coquille, inspirant une métaphore salée. Léger côté fumé.
- Bouche huileuse, d’une très grande finesse de texture, veritable jus
de roche… Austère, elle maitrise un poids indéniable, une matière
colossale, une grande complexité, un éclat et une superbe
confondants ! Le fruit est tout juste perceptible, avec un côté
chablisien déjà identifié dans des vins précédents. La finale signe une
longueur et une persistance exemplaires…
Le vin est d’autant plus grand qu’il semble toujours en devenir :
pas assez ouvert, assez difficile à appréhender en l’état, il semble devoir
encore attendre.
Incroyable !
8. Château Grillet 1982 :
DS17 - PC17 - LG17 - PR16,5 - CD17. Note moyenne : 16,9 - Prix : 72 €
- Grasse, c’est la première robe plus franchement dorée : on peut
enfin remarquer un semblant d’évolution !
- Nez au profil immédiat quelque peu passerillé : notes de miel,
de raisin et de poire confits, de coing. Riche, très mûr, il évoque
ensuite l’abricot, l’orange, puis enfin une touche oxydée avec la présence
de fruits secs, un très léger rancio, privilégiant finalement de nouveau
l’austérité au style initalement plus « liquoreux ». A
l’aveugle, un chenin ligérien de 10/15 ans d’âge aurait très bien fait
l’affaire !
- La bouche finit de nous éloigner de toute dérive liquoreuse :
totalement dénuée de sucre, à peine oxydée, elle se raidit de nouveau sur
sa trame minérale. La finale prolonge cette identité stricte, relevée par
des notes de curry et de safran.
Château Grillet 1981:
(Absente)
A l’attention d’un généreux vendeur : on est
preneur !
9. Château Grillet 1980 :
DS17 - PC17,5 - LG17,5 - PR18 - CD17. Note moyenne : 17,4 - Prix : 69 €
- Robe qui se ressaisit vers sa jeunesse caractéristique : doré
timide, reflets fluos, épaisseur moyenne.
- Nez fantastique : réduction d’une classe folle, sur le grillé,
le fumé, le beurre, la noisette, sa distinction nous évoque les grands
chardonnay de Coche Dury ou Auvenay, mais des millésimes 2000 !!!!!
Aucune trace d’oxydation, jeunesse folle… et dégustateurs fous !
- Bouche toujours impressionnante de fraîcheur (agrumes, citron),
expression généreuse d’un fruit éclatant, à la texture huileuse, la finesse
délicieuse, au parfum étonnant de saumon fumé, voire d’œufs de saumon,
mais aussi le caramel lacté, le gras, l’ampleur… Très belle finale,
longue, persistante, généreuse… Nous confirmons nos impressions très
« Meursault ».
10. Château Grillet 1979 :
DS17,5+ - PC18,5 - LG18 - PR18,5 - CD17,5. Note moyenne : 18 - Prix : 91 €
- Robe jaune doré, épaisse, nous rappelant cette tentative d’évolution
initiée sur le 82.
- Nez intialement très réduit, avec des notes de sueur. Légèrement
herbacé, alliacé, il se livre très lentement avant d’asseoir sa
typicité : floral (rose, violette), minéral, camphré et enfin un
fruit plus expressif (abricot, pêche).
- Bouche au fruité éclatant (ananas, abricot, melon), fraîche, à la
finesse de texture sublime, elle contient toujours sa puissance par une
minéralité discrète, mais toujours essentielle. L’ouverture, lente, révèle
progressivement une plus grande complexité, avec de nouveaux arômes :
guimauve, réglisse, violette, abricot, le tout sans aucune trace
d’évolution ! La finale s’étire indéfiniment, pure, puissante.
Encore une fois, l’impression de découvrir un vin toujours en devenir
s’impose : se dévoilant lentement, il ne semble pas encore prêt à boire…
Ce constat est presque déstabilisant !
11. Château Grillet 1973 :
DS17,5 - PC18,5 - LG18 - PR19 - CD18. Note moyenne : 18,2 - Prix : 70 €
- Robe qui confirme enfin une teinte plus dorée, quoique toujours
timidement. Grasse, très brillante, toujours jeune, elle en impose…
- Nez réduit, initialement toujours typé Meursault, sur des parfums de
café, grillé, toasté (semblant de boisé), dans un style opulent, évoquant
même quelques notes rôties, presque botrytisées. La richesse du fruit se
révèle ensuite, presque insolente : banane, pêche, citron, abricot,
poire, mirabelle, ainsi qu’une légère sensation d’eau de vie de
prune ! Superbe !
- Bouche bien grasse, huileuse, mais dont l’aspect initialement surmûr
est vite contre-balancé par la grande fraîcheur de l’ensemble (citron). C’est
un vin de contraste, un peu extrême, faisant un grand écart permanent
entre sa richesse de matière, une sensation presque tannique et sa finesse
de texture, sa légèreté, sa délicatesse. Rien ne semble forcé :
naturel et équilibre sont saisissants ! La finale prolonge
indéfiniment cette sensation magique d’une matière liquoreuse, mais sans
le sucre, sans lassitude, sans écoeurement.
12. Château Grillet 1969 "Cuvée
Renaissance" Tirage limité à 1730 btls :
DS17+ - PC19 - LG18,5 - PR19 - CD18. Note moyenne : 18,3 - Prix : 60 €
- Robe au doré franc et vif, toujours « raisonnable », avec
de superbes relfets or fluo. Grasse, auguste, elle confirme, malgré ses 38
ans, que l’âge n’a pas d’emprise sur elle…
- Nez avec cette réduction noble initialement perçue, puis évoluant
ensuite sur le pain d’épice, le citron, les agrumes, une touche de café,
la réglisse, la pêche… Intense, frais, sans aucune trace d’oxydation, il
continue à défier le temps…
- Bouche très grasse, ample, marquée d’une subtile note d’alcool, mais
qui ne renie jamais son équilibre : toujours fraîche, pleine
d’allant, de peps, elle a su conserver sa nervosité… Matière de grande
concentration, riche, elle exhibe généreusement ses arômes de citron
confit, de camphre, de lavande, de réglisse, de fruits à l’eau de vie,
sans jamais concéder la moindre faiblesse à une tenue exemplaire malgré un
minéral moins expressif. Finale très distinguée, épicée (poivre,
gingembre), elle affirme sa puissance et sa longueur sans jamais céder à
la lourdeur. Encore une merveille que nous dégustons avec retenue, à la
manière d’une liqueur. Que du bonheur !
De nouveau nous exprimons une impression de complexité contenue,
d’épanouissement encore en devenir.
Si ma date de naissance est bien la même, ce vin a bien mieux que moi
préservé toute sa force juvénile.
J’emporte cette bouteille dans ma cave où elle trônera dignement en
souvenir d’une dégustation qui mérite bien des qualificatifs élogieux (je pense
les avoir tous utilisés !!!), mais surtout celui de « magique ».
Les Bouteilles
Une bouteille de Château Grillet est marron, longiligne,
presque autant qu’une bouteille alsacienne.
L’étiquette est sobre, identique d’une année sur
l’autre ; idem pour la colerette, jaune.
A compter du millésime 91 inclus, les bouteilles ont leur
forme actuelle.
De 87 à 90 inclus, elles étaient plus petites, mais
toujours de contenance 75 cl.
De 86 à 79, nous notons une contenance de 70 cl.
Pour la bouteille de 73, c’est 68 cl !
Quant à la bouteille de 69, nous n’avons trouvé aucune
indication volumétrique…
Conclusion
Lors de ma première conclusion, je reconnais avoir laissé
parler mon enthousiasme passionné, avec une certaine emphase, plutôt que de
garder une ligne de conduite sobrement critique, neutre, peut-être plus juste.
Je vais donc tenter de me contrôler cette fois-ci…
SUBLIMISSIME, GEANTISSIME, GENIALISSIME, FABULEUSISSIME,
DEMENTIELLISSIME !
Désolé, j’ai pas pu…
En effet, si la première séance nous a révélé un grand vin, la seconde le
confirme encore davantage…
Jamais une moyenne de notation n’aura été aussi élevée : 17,2 sur
l’ensemble des 25 vins !
Les plus expérimentés du club se posent même la question de savoir quel
autre grand vin blanc sec pourrait réaliser une telle démonstration…
Mis à part le Riesling Clos St Hune de Trimbach, les plus grands bourguignons
(domaines d’Auvenay), rien n’a été dégusté d’aussi grand dans cette couleur
(voire en rouge…), avec une telle régularité, sur autant de millésimes
successifs.
Cela laisse pantois, surtout s’agissant d’un vin mystérieux, méconnu, à
la distribution discrète et confidentièle.
Concrètement, les remarques stipulées dans les premières conclusions sont
plus que jamais confirmées :
- jeunesse
déconcertante : nous n’avons pas réussi à prouver que Château Grillet
pouvait vieillir ! Il est bon aussi de préciser que les bouteilles,
achetées le plus souvent à l’unité, à des sources multiples, ont
certainement résisté à bien des conservations différentes.
- profil organoleptique fortement régulier, relativement peu sensible
aux différents types de millésimes, témoin d’un terroir très fort
habilement valorisé plutôt que de l’expression du cépage (la plupart du
temps méconnaissable en prenant Condrieu en référence) ou de la « patte »
du vigneron. Dans ce profil, si l’acidité est préservée de façon
surprenante pour la région, c’est surtout l’expression minérale du
vin qui signe une constante régulièrement appréciée.
- aucune lourdeur, aucune saturation, aucune lassitude malgré la
concentration des matières : Château Grillet est un vin digeste,
subtil, parfaitement droit et adapté aux plus grands
plaisirs de la table.
Mais attention, comme le soulignait Laurent dans sa première conclusion, le
vin n’est pas un séducteur : au caractère trempé, ce n’est pas un vin de
mode, fait pour plaire au plus grand nombre, ni pour se livrer spontanément. Il
réclame de la patience et de l’attention pour l’associer au bon moment, avec le
juste mets.
Pour ce qui est du conseil de service, c’est très clair : l’aération
ne s’est jamais révélée déterminente.
Il est donc inutile de carafer ce vin, jeune ou vieux, longtemps à
l’avance.
Par contre, pour se prévaloir de notes un peu trop réductrices à
l’ouverture de certaines bouteilles, nous avons constaté qu’un service immédiat
après carafage, lui-même suivant l’ouverture de la bouteille, était la
présentation la plus adaptée.
Enfin, si l’aspect monétaire est rarement abordé dans nos comptes-rendus,
il ne peut être ignoré dans ce cas précis…
Le rapport qualité-prix est tel qu’on se pose vraiment la question :
« Outre le mystère qui l’entoure, comment se fait-il qu’un vin aussi
exceptionnel ait su rester si raisonnable ? ».
Nous commençons à comprendre la force de Château Grillet qui, loin des
modes et des feux de la rampe, défie tous les canons actuels.
C’est un des derniers trésors « accessibles » à l’amateur.
On s’incline…